22 Wing North Bay

C'est dans un climat de confusion et de secret que, le soir du 31 décembre 1963 à North Bay, arrivent les premières ogives atomiques américaines W40. De 1963 à 1972, elles ont équipés les 56 missiles sol-air CIM-10 Bomarc du système de défense antiaérienne du NORAD. Au début de la guerre froide, les Bomarc étaient au coeur de la stratégie de dissuasion nucléaire.

Dans l'éventualité d'une attaque soviétique, le scénario élaboré par l'United States Strategic Air Command, consistait à ce que des milliers de bombardiers russes équipés de bombes nucléaires survolent l'Arctique canadien avant d'atteindre les mégalopoles américaines. Pour contrer cette menace, le centre de commandement du NORAD à North Bay enfouis à 120 m sous le sol granitique du bouclier canadien aurait lancé la contre-offensive. En deux minutes, les 56 cercueils (nom commun donné aux hangars qui abritent les missiles) acueillant autant de BOMARC répartis entre North Bay et la Macaza au Québec auraient lancé leur missile. Volant à deux fois la vitesse du son, les missiles sol-air se seraient approché le plus possible des volées de bombardiers. Arrivé à proximité, les ogives auraient déclencher leurs réactions nucléaires dans le ciel en espérant faire tomber les avions russes. Avec une portée de 350 km, les missiles du NORAD aurait ainsi irradié le Nord de l'Ontario, l'Abitibi, le Lac St-Jean...

Ce système de défense utilisait le Semi-Automatic Ground Environment (SAGE), encore aujourd'hui le plus gros ordinateur jamais construit. Pesant 250 tonnes et composé de 60 000 tubes à vide, il fut le précurseur de tous les réseaux informatiques actuels. Le système permettait de générer en temps réel une image de l'espace aérien, des avions qui s'y trouvent et d'évaluer les menaces potentielles. Dans le cas d'une attaque, le réseau aurait permis le guidage des missiles vers leurs cibles.

Bien que le système BOMARC ne fut jamais complètement déployé, le plan original prévoyait 5000 missiles répartis sur le territoire et représentant une force de frappe 3000 fois plus plus puissante que celle Hiroshima.

Depuis 1951, la 22e Escadre North Bay, aussi appelée Secteur de la défense aérienne du Canada (SDAC), est responsable de la surveillance en matière de défense aérospatiale au Canada et en Amérique du Nord. Jusqu'en 2006, le centre de commandement se trouvait dans le bunker conçu pour résister à une attaque nucléaire de 4 megatonnes.

Depuis, les technologies ont évoluées. Par exemple, dès la fin des années 60, les nouveaux missiles intercontinentaux comme le “Satan” avec sa puissance de 45 mégatonnes ont rendu les bunkers obsolètes. En 2006, le SDAC a ainsi intégré l'édifice Sgt David L. Pitcher équipé de nouvelles technologies de surveillance et de détection de l'espace aérien et au-delà.

En octobre 2019, j'ai visité la base des Forces canadiennes North Bay dans le cadre du Programme d’arts des Forces canadiennes (PAFC). Pendant cinq jours, j'ai intégré la base et rencontré des gens qui y ont travaillé ou y travaillent encore. Après avoir rempli les multiples formalités sécuritaires, j'ai eu la possibilité d'atteindre le coeur du centre de commandement du NORAD.

Mon projet est composé de quatre photographiess. La première représente la salle du centre d'opération 21e Escadron de contrôle et d'alerte (ECAA). La seconde montre la section surnommée “space” qui assure le suivi et l'identification d'objets spatiaux grâce entre autres au satellite de surveillance militaire Sapphire.Les deux autres images furent prises au Bomarc Site Storage à proximité de North Bay. Aujourd'hui privatisé, devenu un simple lieu d'entreposage locatif, les 28 cerceuils qui ont accueilli les ogives nucléaires sont toujours sur place.

En 1963, le gouvernement Deifenbaker perdit ses élections en bonne partie à cause de la confusion et de l'incertitude générées par la guerre froide. Après le lancement de Sputnik et la crise des missiles de Cuba, la menace nucléaire l'emporta, l'opinion changea. Aujourd'hui, les BOMARC créent toujours de l'émoi. En 2007, à North Bay, encore dans la controverse, l'armée américaine déboulonna le dernier missile exposé à l'entrée d'un parc de la ville. Le souci ? Peut-être le coeur du missile composé d'alliage de magnésium-thorium toujours radioactif, la négligence de sa conservation, ou simplement une histoire que l'on ne veut plus voir.

22e Escadre North Bay

In Your Defense: The SAGE System

La Guerre froide bientôt oubliée?



21 Aerospace Control and Warning Squadron, 2019





22 Wing/CFB North Bay Canadian Air Defence Sector, 2019





Bomarc Site Storage #1, 2019





Bomarc Site Storage #2, 2019