Sous Surveillance, les étoiles artificielles

Imaginez si le ciel pouvait garder la trace des passages des satellites.

Pourquoi espionner les satellites
Alors que le ciel nocturne s’illumine par l’éclairage artificiel, les étoiles disparaissent. Selon une étude de la NASA, déjà en 2000, 90% de la population d’Amérique du Nord ne peut contempler la voie lactée en raison de la pollution lumineuse. En parallèle, une nouvelle voûte étoilée apparaît : celle des satellites artificiels. En effet, aujourd’hui le point le plus lumineux de la voûte céleste est la Station orbitale internationale (ISS). Depuis le lancement de Sputnik en 1957, plus de 28 000 objets artificiels sont désormais en orbite autour de la terre. Chaque jour, des milliers de satellites passent au-dessus de nos têtes. En de rares occasions, ces systèmes de télécommunication sont visibles à l’?il nu. Ces points lumineux se mêlent aux étoiles et aux planètes qui occupent la voûte céleste. Situés entre 100 et 30 000 km de la terre, ils gravitent de façon prévisible afin d’accomplir leur travail.

Les satellites font désormais partie de nos vies. L’intrusion des technologies satellitaires modifie notre vision du monde : Google Earth et les GPS mettent en scène un modèle virtuel presque en temps réel du globe. La télévision, la téléphonie et l’Internet profitent des technologies en orbite en permettant de communiquer partout sur la terre. Mais l’occupation de l’espace n’a pas que des implications civiles.

En 1957, le lancement de Sputnik initia la course à la conquête de l’espace. À l’aube de l’ère spatiale, les Nations Unies fondèrent le Bureau des affaires spatiales afin d’établir les principes qui régiraient les activités de l’espace. Par exemple, la Convention sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique fut signée par les membres de l’ONU en 1976. En bref, elle stipule que les pays signataires doivent tenir un registre des objets lancés dans l’espace. Ce registre catalogue les satellites selon des normes rigoureuses, il doit être libre de droit et d’accès.

Si, à l'origine, les premiers acteurs ne se sont limités qu’aux U.S.A. et à la Russie, aujourd’hui pays et multinationales remplissent le vide sidéral. Parmi les milliers de satellites artificiels qui gravitent autour de la terre, plusieurs n’apparaissent pas dans les listes officielles. En effet, malgré les résolutions de l’ONU, des centaines de satellites sont « classified » (classés « secret ») : leurs orbites, les données qu’ils transmettent et les équipements qu’ils transportent, ne sont pas divulgués. Mais à notre grande joie, il existe sur Internet une liste de satellites secrets : petits points lumineux qui scrutent le ciel mais qui n’apparaissent pas dans les listes officielles. Ces satellites sont repérés et identifiés par quelques ingénieurs underground, astronomes et hackers. Ceux-ci distribuent et entretiennent cette liste afin de remplir les manques des listes officielles. Ce sont ceux-là qui m’intéressent. Là-haut, loin de nos regards, se projettent sur nous des regards avec une résolution centimétrique.

Comment espionner les satellites
J'ai programmé un logiciel en Processing. Il utilise les bases de données satellitaires afin de prévoir les passages des satellites. Ce programme est l’interface qui gère l’ensemble des données. Il est connecté à un serveur qui contient les data sur tous les satellites en orbite. La fonction principale de cette infrastructure est de produire un calendrier des passages des satellites. Cette liste comprend les informations géographiques quant à la position, la direction, la distance et la vitesse du satellite. Plusieurs projets utilisent cette interface.

Sous surveillance est une image qui montre les 28800 passages des satellites espions au-dessus de mon studio. Sous le nom de code APO-SAT, j'ai réalisé plusieurs projets qui visent la construction d'un mini satellite soit Simulation d'un vol orbital et APO-SAT 0.1 R.-C.B. Plus récemment, la performance Apollo 11 13.06.1969/I.S.S. utilise les mêmes systèmes informatiques afin de faire entendre en temps réel les satellites au-dessus de nos têtes.